Sfolio   : Que vont changer ces trois prix remportés à Montreux pour l’Octuor ?

FXA     : Rien et tout.

Rien, car nous allons rester le chœur de « joyeux amateurs qui ne se prennent pas au sérieux » que nous avons toujours été. Cela nous permet d’ailleurs de chanter quasiment dans tous les contextes, y compris pour des secondes parties de concerts de chorales de villages (ou de sociétés d’accordéon, ou de fanfares…), avec le seul objectif de faire plaisir aux nombreux spectateurs présents pour le groupe local, tout surpris de voir une équipe de « gais Valaisans qui s’entendent à merveille » leur chanter aussi bien du Palestrina et du Poulenc que des variétés, des populaires et des fantaisies.

Tout, car pour nous, c’est comme un couronnement de 30 années de cheminement, une consécration au plan suisse et international dont nous n’aurions jamais pu rêver et une reconnaissance du travail que j’ai eu le plaisir de mener avec les formations successives : ce sont près de 30 chanteurs qui ont passé dans nos rangs en 30 ans, et je reste le seul « dinosaure » du début. Tout cela l’année où le FC Sion a gagné sa 10^ème finale de coupe suisse et s’est retrouvé promu en Première division ! Ces 3 prix à Montreux, c’est comme si Sion avait battu… Barcelone. Et pour moi, d’avoir remporté en plus du prix du jury celui de la composition et de l’interprétation du programme est un gigantesque encouragement à continuer dans la voie de l’originalité et de l’éclectisme que nous avons sans cesse explorée. Quant à la récompense pour la pièce imposée, elle nous pousse à visiter encore davantage le répertoire contemporain !

Sfolio : Prêtre, arbitre de foot et également professeur de guitare, quelles influences ont ces activités sur votre direction de l’Octuor ?

FXA   : Evidemment que ma formation professionnelle au Conservatoire de Sion pour obtenir le diplôme de guitare classique, et mes 32 années d’enseignement dans cet établissement, constituent pour moi la référence de ma perception de l’univers musical : comme les 6 cordes, chacune avec sa tonalité, son épaisseur et sa texture, sonnent ensemble pour un même concert, ainsi les 8 voix de l’Octuor, ô combien diverses, des basses-tailles aux contreténos aigus, et pourtant profondément complémentaires, sont appelées à se marier au service de l’harmonie globale. Mais il suffit qu’une corde soit dés-accordée pour que tout l’accord sonne faux. De même dans notre petite formation, un seul s’égare et c’est tout l’édifice sonore qui est compromis. Une parabole de vie, d’ailleurs : l’unité réalisée dans la diversité, la fusion qui ne supprime pas les individualités. Comme, si j’ose, dans la Trinité, l’unité de la nature divine et la spécificité des trois personnes du Père, du Fils et de l’Esprit. Comme dans le couple ou la famille, entre l’époux, l’épouse et l’enfant.

A l’Octuor, aux heures heureuses comme à celles plus tendues, je me suis senti la vocation moins de « directeur » que d’arbitre et de ré-conciliateur, c’est-à-dire de facilitateur de communion, au sein d’une phalange constituée de solides personnalités. A la différence près, avec l’arbitre, que dans l’Octuor je chante moi aussi, alors que comme arbitre, je ne suis pas du jeu, je suis au service de la rencontre. Dans ce sens-là, comme prêtre, je suis chanteur avec les chanteurs, fidèle avec les fidèles, tout en assumant en plus un rôle de rassembleur et de guide.

Quant à la fonction de professeur de conservatoire, elle m’a servi dans ce que ma tâche de directeur du groupe vocal implique : tirer les autres en avant, les encourager, les stimuler, coordonner quand tout part à vau-l’eau, dire le mot qui convient à chacun…

Sfolio : Un souvenir particulier qui reste de cette aventure ?

FXA   : Un souvenir ? L’attente interminable avant d’entrer en scène, pendant la présentation de la soirée et de notre pedigree en plusieurs langues par la délicieuse Christine Magro, où l’un des chanteurs, qui devait remplacer au pied levé l’un des choristes malades (en plus !) m’a redemandé dix fois le ton, pour être sûr de réussir à passer de la 3^ème à la 4^ème petite Prière de saint François d’Assise de Francis Poulenc, que nous interprétons à la suite sans reprendre le ton, pour ne pas casser l’enchaînement. Puis l’enthousiasme de charmantes bulgares, au terme de la partie concours, dans la salle au bord du port de Vevey. Dommage pour certains de mes amis qu’ils ne parlaient pas bulgare… Mais le chant est un langage universel, au-delà de toutes les frontières ! Puis, le contact avec l’un des membres du jury qui, après notre prestation, le soir même, est venu nous proposer de participer l’an prochain au prestigieux concours d’Arrezzo en Italie ! Nous n’en revenions pas…

Sfolio : L’Octuor a 30 ans, l’âge de raison ou encore des projets fous ?

FXA   : Il me semble que l’Octuor est plus jeune que jamais, car 4 nouveaux chanteurs – qui pourraient être mes enfants… - apportent du sang neuf, et des idées fofolles : un site, des flyers (pour la première fois en 30 ans…), des envies de concours internationaux, des concerts originaux avec de petites formations instrumentales, des échanges avec des chœurs de Romandie, des voyages – concerts en été, des CD thématiques (nous sortons cette année un 7^ème  enregistrement pour notre 30^ème anniversaire et rééditons en CD le premier 33 tours que nous avions fait pour nos 10 ans en 1986), un répertoire pop-variétés déjanté, des compositions et adaptations demandées spécialement pour nous à divers auteurs suisses… Nous sommes repartis pour 20 ans, au bas mot !